« Excès et passions » :
le 100 km de Polleur...
   

A lire dans la revue d'octobre 2001 :
Le sommaire

Archives : revue d'avril 1999
de Jacques Seray
"La revue a vingt ans"




Que souhaiter en 2001 ? Si ce n’est par la marche, de faire circuler les globules rouges plus vite que les boules du loto et ainsi se renouveler le karma !
Samedi matin 20 janvier 2001. Ma surprise grandit au fur et à mesure que je remonte vers le nord. Dans le Thalys, ça commence par un « Daniel Cohn Bendit », partant au ski, plus jeune mais à la ressemblance frappante, lisant avidement un livre de poche. Jusqu’à Bruxelles, la neige rappelle que c’est l’hiver. Ça promet. Et puis, dans le train roulant vers Verviers, je voyage avec Boni de Faure de Roll (le matricule 1918 comme il dit) et Gilbert Van Tilborgh. Ces marcheurs avertis ont des dizaines de milliers de kilomètres à leur compteur. Les grandes classiques, marche de la mort, nuit des Flandres, Paris-Tubize, Turnhout, etc., ils les connaissent toutes. Le personnage qu’est Boni, d’après ses dires, est vraiment passionnant. Depuis l’âge de 8 ans, faisant le portrait de son grand-père, il n’a cessé de peintre et de sculpter. Sa « riche » vie coule comme l’eau de la rivière au gré du temps. Il a fait l’ascension du Mont-Blanc, les Grandes Jorasses, la crête du Diable en premier de cordée... Artiste dans l’âme, il n’authentifie pas ses brevets Audax. A quoi bon ! Paris, la belle époque. « J’ai connu Aragon, Cocteau, Picasso, Montand, Simone Signoret, Aznavour... »
Très bizarrement, la neige n’est pas tombée à Verviers, pas davantage à Polleur. Depuis le deuxième millénaire, la salle « La Hoëgne » n’a pas changé. Irène et Georges, les lunettes sur le nez, toujours aussi gentils, sont dans les papiers. Tout ici invite à la marche : la forme psychologique certaine, l’ambiance, les équipements, les conversations conviviales.
A l4 heures, Jacky Servais donne le coup d’envoi de ce quatorzième 100 km, approchant la centaine de brevets Euraudax.
Les 109 acteurs (65 Belges, 8 Français, 20 Néerlandais, 10 Allemands et 6 Danois), venus en force, lui font confiance.
Dévalant des Hautes-Fagnes, la Hoëgne sera longée, quittée, puis retrouvée à plusieurs reprises. Le courant glacial et les stalagmites ne donnent pas envie de s’y tremper. En direction de Theux, le gigantesque viaduc de l’autoroute relie les deux collines au-dessus de la vallée. Cette première boucle de 40 km donne très vite un aperçu du relief montagneux et original des Ardennes belges. Au temps des Romains, de la déesse Arduinna vient le mot Ardennes. Les versants de la vallée de la Vesdre ont gardé leur couvert végétal qui enthousiasmait Victor Hugo : « C’est la plus ravissante vallée qu’il y ait au monde. » Le GR ravinant et serpentant entre feuillus et rocaille, très sportif, nous amène à la gare de Pepinster. Georges, dont le palmarès marche et ping-pong est impressionnant, s’active avec sa petite équipe pour nous servir des tartines moelleuses et des boissons chaudes. Zizi coin-coin ? Mystère ! Paul et Antoine m’indiquent qu’il s’agit d’une nouvelle boisson colorée populaire sucrée. 17 h 15. Le ciel s’assombrit. « Trop vite », ralentir... Petit-Rechain. Un arrêt est prévu au domaine des Tourelles, le fief de Jacky. Un clin d’œil à l’église gothique superbement illuminée et, les genoux fortement ployés, nous filons à angle droit sur Verviers. De retour à la salle, une bonne soupe mitonnée aux croûtons petits pois, servie à volonté, nous fait récupérer efficacement chaleur et énergie.
Plein de vitamines, rassasié, le défilé « haute couture » repart pour une présentation au chalet des ruines du château féodal de Franchimont construit au XIe siècle. Les bières des trappistes sont appréciées. Dehors, des flocons de neige de plus en plus drus voltigent.
Déjà 59,9 km de route derrière nous. Nous dévalons les trottoirs petitement pavés des longues avenues bordées d’immeubles cossus. Un regroupement a lieu à côté de la statue du violoniste compositeur Henri Vieuxtemps (1820-1881). De renommée mondiale, il a été attitré par le tsar de Russie. Au cœur du pays de Vesdre, Verviers était jadis spécialisée dans l’industrie textile (fabrication du drap de laine, du costume...). La magnifique gare centrale, l’hôtel de ville, le palais de justice, le théâtre à l’italienne qui vient d’être classé et présente les concours internationaux du chant avec une dizaine de pays dont le Japon, les machines authentiques du travail de la laine exposées dans le centre urbain rappellent l’éclat d’une des capitales de la laine en Wallonie. A la sortie du stade de Bielmont, il est 4 h 15, le froid est mordant. Il gèle bien à – 5° – 6°. Les coquettes dames finissent par se couvrir chaudement la tête, elles aussi. Au maximum, on s’emmitoufle. Une chance que les routes regorgeant d’humidité ne soient pas glissantes. J’observe toujours Herbert et Serge qui assurent parfaitement depuis le début notre sécurité. Ils sont remarquables. Le petit déjeuner et à la fraîche, dans le bois de Mariomont, nous devrons adapter notre rythme au profil du sol. A la lueur des torches, se suivent en effet des racines apparentes, des pierres et des plaques de glace. Ces dernières difficultés n’arrêtent pas les marcheurs, blindés comme jamais et qui en ont vu d’autres. On s’éloigne maintenant de la salle Chanteloup à Stembert, l’avant-dernier arrêt. Tout est vanité sous le soleil qui paraît, comme pour féliciter Jacky. A quelques chevauchées de l’arrivée où l’on peut voir la plaque du jumelage « Sainte-Sévère, 668 km - Indre », la porte d’à côté, de puissants percherons, j’en compte quatorze, nous font une haie d’honneur.
Officiates à tous. Sous un tonnerre d’applaudissements, Georges, Irène, Marcus, Alain, les signaleurs Herbert, Serge, Paul, Freddy sont récompensés, ainsi qu’Hugo Bonnyns pour ses 110.000 km. Jacky remercie aussi très chaleureusement la sympathique équipe du syndicat d’initiative qui nous a gâtés. Pour sa première marche ici, Nelly de Lille reçoit la mascotte du club, « l’ours blanc ». Aigles d’or : Claudette Jaquot et Nino Spileers (1er), Rolf Croonen (2e), Ronald Van Meensel (13e).
Willy Persyn, Président du Bureau belge, prend enfin la parole pour remercier, devinez qui ! Jacky, bien sûr. Si l’on vous dit que ce brevet était bien organisé et de toute beauté, surtout croyez-le.

René VASSEUR.