Raz-de-marée, le 8 juin 2000,
sur Biscarrosse

Bordeaux, 11 h 55. Du TGV s'engageant sur le pont, je vois la Garonne bouillonnante, de couleur marron, immensément large, qui coule en dessous. Une dizaine d'amis de la région parisienne viennent retrouver Raymond Vasseur, à Biscarrosse depuis 1996. Il a présidé la section marche au club du Sourire de Meudon-la-Forêt durant quatre ans. Ses brevets Audax allant jusqu'à 125 km ont connu un vif succès. Mais sa passion pour les périples à la marche l'accapare toujours : Mont-Saint-Michel - Paris, 327 km ; étoile de 380 km en Alsace, en 1998 ; Saint-Jean-Pied-de-Port - Saint-Jacques-de-Compostelle. Avec Marguerite Mercier, Nadine Fernandez, Denise Glory et Marie-Claude Rieffel, des marcheuses extra, très sympas, je vois déjà l'ambiance, en septembre prochain, il accomplira la partie française en partant du Puy-en-Velay.
Et puis, ce week-end, il nous fera vivre le premier 100 km en Gascogne. Raymond l'a mûri et mis au point dans les moindres détails. Un nouveau brevet à découvrir dans une région fantastique est toujours un « événement ». Paul Herman, Hélène, Marc Libion d'Andennes qu'Arlette Hannes, originaire d'Arcachon, accompagne, l'ont bien pressenti. Les portes de la maison de la Foire sont grandes ouvertes. Un premier contact s'établit auprès des dynamiques randonneurs des sables. Claudine et Christian enregistrent les inscriptions Audax pour la première fois. Dans un même élan, Robert Léonard et Paulette d'Epinay-sur-Seine sont accourus pour prêter main forte au « maître ». Un large sourire aux lèvres, très serein comme à son habitude, celui-ci accueille, renseigne, donne les consignes de sécurité. Parés du magnifique tee-shirt, nous suivons à 15 heures le pas régulier de Nadine Fernandez, capitaine de route en herbe, entourée de Henri Poustis et de Pierre Aramendy des Pyrénées-Atlantiques. A droite, le musée des traditions et de l'histoire de Biscarrosse, de splendides parterres d'hortensias roses, bleus et, dans la foulée, nous découvrons l'étang de 3.600 hectares de Biscarrosse et de Parentis. Au km 9, le soleil est ardent, le ciel bleu pur. En musique, une collation nous est servie. Une petite soif ! Dans l'étang, il y a suffisamment de pétrole..., une douzaine de puits sont exploités depuis 1963 ! Et dans la tête de Raymond, un volcan d'idées.
Des perdrix échappent à un chasseur et à son chien. Eh oui ! Les marcheurs sans peur, sauveurs de vies, c'est nous. Un sentier agréable au sable meuble nous ramène à la route sur laquelle, entre Océan et lacs, les bateaux attelés aux voitures des estivants, donnent un air de vacances. Les automobilistes du 40, compréhensifs, clairvoyants, sont remarquables. Néanmoins, Raymond, Robert et les volontaires à bicyclette qui se reconnaîtront, assurent notre protection devant et à la croisée des routes. Découverte aussi de bignones aux fleurs orangées, d'arbusiers et de mûriers platane aux épaisses feuilles brillantes.
A 19 h 30, le repas préparé avec les produits du terroir tient au corps : crudités, confit de canard aux pommes persillées, croustade, fromage...
La deuxième boucle nous fait traverser le bourg. Avec la plage, Biscarrosse compte 9.000 habitants en hiver et atteint les 100.000 en été. Une route rectiligne typique des Landes est quittée à la cabane de Chapuis, après avoir goûté les « têtes de nègre » au réglisse et avalé un peu de boisson. En forêt domaniale, nous remarquons les cabanes du Cassiot, Narp, du Centre, des Grands Saous. Jadis, ces abris saisonniers étaient utilisés par les gemmeurs récoltant la résine de pin sur le tronc à l'aide d'un hap chot et les charbonniers (fabrication du charbon de bois). Après deux arrêts de 4 et 8 minutes, à l'intersection d'en Hill laissée à l'aller, nous revenons à la salle. Le précédent repas étant copieux, les fines tranches de rosbif et de porc froid macédoine sont d'un bon choix.
A 1 h 30 du matin, en tenue légère, une belle piste cyclable est empruntée. Un peu plus au sud, des routes monotones nous transportent au parvis de l'église de Parentis, de style gothique flamboyant. Le peloton marche à un rythme constant agréable, hésite, puis s'enfonce dans des chemins pare-feu, sablonneux, fort praticables. La pinède tapissée de hautes fougères s'étend à perte de vue. La résine enivre nos narines. Le ciel devenu menaçant laisse filtrer quelques gouttes de pluie. Sans plus, la chance reste de notre côté.
5 h 42. D'entrée, le petit déjeuner est pris. Se rafraîchir les pieds et changer de chaussettes n'est pas un grand luxe, le coup de peigne, d'eau sur les mains, le visage..., pas davantage. Un dernier réglage de lacets et nous nous élançons sur la boucle « Navarrosse », l'apothéose. Le canal du littoral des Landes nous conduit très vite à l'étang de Cazaux et de Sanguinet, un beau miroir aussi aux eaux claires et paisibles, cerclé de roseaux et de pins maritimes alignés à l'infini. A l'instant, un splendide arc-en-ciel se montre. Au port de plaisance de Maguide, un encas est mis à notre disposition. Nous ne reverrons plus les lacs. Après 84 km de plat, la départementale 83 nous offre les premiers vallonnements. Un panneau « trophée du Département fleuri France 1998 », l'Hôtel de la Forestière... Et la mer ? Plus en avant encore. Plus bas. En haut d'un raidillon, stimulés par le vent du littoral, écarquillant les yeux, on aperçoit enfin les plages de sable blanc de l'Océan. Sur l'esplanade, une pause de quelques minutes fait notre bonheur. « Pause toujours fieu, c'est toujours ça de pris » (Obélix).
La mer aux tons vert et argent, légèrement agitée, luit comme de la nacre.
Nous reprenons notre route sur le bas-côté. Assis aux terrasses des tavernes et des restaurants, en plein farniente, vidant un verre, des estivants récupèrent d'une nuit trop longue... Notre fraîcheur et notre pas dynamique, des « lève très tôt » en quelque sorte, sont à peine remarqués. Se posent-ils d'ailleurs cette question ? Une bonne odeur de poisson grillé et de moules farcies...
Sauvons-nous vite !
A 11 h 01, ce brevet convivial qui donne le désir de revenir, s'achève sous des applaudissements fournis. Il a attiré 87 marcheurs répartis en 28 clubs (54 sur 100 km, 5 sur 75 km, 5 sur 50 km, 23 sur 25 km). Raymond Vasseur remercie les participants, la Ville et les nombreux bénévoles grâce à qui il a pu mener à terme son projet. Après des paroles de bienvenue et nous avoir félicités, Monsieur le Maire de Biscarrosse qui découvre ce sport et sa structure se dit être disposé à renforcer son soutien l'an prochain. Avant le verre de l'amitié, de jolies coupes sont remises aux clubs les plus nombreux, aux cinq marcheurs ayant effectué un premier 100, à Georges Valade pour son premier Aigle d'or, ainsi qu'aux jeunes Aline (12 ans) et Céline (13 ans et demi) Ylzer pour leur premier 50 km. Marcel Gonthier, représentant l'UAF, décerne le fanion des Audax à Raymond pour l'organisation de son premier 100 km landais.
Ravi de ma promenade, je quitte le duché de Guyenne (au temps de Philippe-Auguste) pour regagner mes pénates avenue de Guyenne ! Un arbre couché sur la voie de chemin de fer à quatre kilomètres de chez moi me retarde de trois heures ! La pluie tombait si fort, le courage m'a manqué pour rentrer à pieds. Piètre marcheur.
Je souhaite à tous une bonne année 2001.

René VASSEUR.