Le 150 km de Bourges
les 3 et 4 mars 2001
   

A lire dans la revue d'octobre 2001 :
Le sommaire

Archives : revue d'avril 1999
de Jacques Seray
"La revue a vingt ans"



En rase campagne berrichonne...
Ah ! le beau chapeau de Jacques.

Il court, il court !
Souris, petite bestiole toute lisse, craintive, tressaillant dans le noir en travers des rails, tu n’as pas besoin de t’enfuir, je ne veux pas te pourchasser, merle siffleur sans peur, ciel déroutant, bonjour. Alerte à la fièvre aphteuse ! Marcheurs, marcheuses, enchanteurs, ne perdez pas une minute, « tic-tac ». Tactique… « Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite » (Francis James).
A Bourges, où il neigeait cette nuit, 23 audacieux seulement, du jamais vu, réunis pour la même passion, du tac au tac, partent à la conquête du nouvel itinéraire du 150 km, au relief varié, très touristique. Contrairement au temps, l’ambiance distillée par la M.A.C. est au beau fixe.
Le plan d’eau est quitté en direction du sud-est. Ce sera ensuite au tour du canal du Berry qui relie Montluçon à Vierzon et de l’Auron regorgeant d’eau de nous accompagner dans la Champagne berrichonne ensemencée de blé. De magnifiques lièvres en période d’accouplement, des chevreuils effrayés aussi nous font une belle démonstration de course à découvert. A Plaimpied-Givaudins, sur la place de l’église abbatiale Saint-Martin (XIe siècle), se tient le premier ravitaillement. Le pilier séparant la nef du transept, à droite, possède l’un des plus remarquables chapiteaux de l’église : la Tentation du Christ. Nathalie qui est « chez elle » filme les affamés qui auront double ration. « Qui veut voyager loin ménage sa monture. » La petite route départementale conduit à Dun-sur-Auron dont nous apercevons le beffroi du XVe siècle flanqué de tourelles. Des remparts de cette ville médiévale, une vue nous est offerte sur le fleuve bouillonnant. L’intérieur d’une cabine donne une idée des étroites péniches qui étaient alors tirées par les bourricots des chemins de halage. Juste avant que la nuit tombe, dans le grand bois de Meillant, un chemin « peu » glissant avec de « rares » flaques d’eau fait notre bonheur. Il est très agréable de s’y promener, ce que nous faisons, loin des arsinotherium, rhino, hippo, croco, moeri-therium, cousin de l’éléphant...
Détrempés par la pluie et compte tenu du redoux, les étranges sangliers, deux sont descendus de Fondettes, soufflent.
Après le repas pris à Saint-Amand-Montrond, la mayonnaise ne tarde pas à prendre. Les capitaines de route Michel et Jean-Pierre nous entraînent sur le terrain favori de Robert et d’eux-mêmes, un dénivelé de 23 km autour de la ville de l’orfèvrerie resplendissante dans la nuit de milliers de lumières. La route passe le Cher à deux reprises et parvient jusqu’au mirage empalé exposé par le député-maire, sénateur, ex-pilote d’avions de chasse. La grande remise en forme avant printanière commence. Après le petit tertre (bosse), nous reprenons notre pied dans le grand tertre, plus pentu, plus long. Redescendus pour tout remonter d’un coup, l’assaut est ensuite donné à la côte des Colas n’ayant rien à envier aux autres. Chenille merveilleusement ondulée, papillon nocturne groggy... la joie ! Là-bas, sur la colline, le château du XIVe siècle a disparu du décor. En revanche, l’abbaye de Noirlac construite en belle pierre blanche du pays, importante étape de la route de Jacques-Cœur, constitue l’un des ensembles monastiques les mieux conservés et les plus complets de France. A Bruère-Allichamps, au croisement de la N 144 et de la D 92, une borne gallo-romaine du IIIe siècle symbolise le centre géographique de la France. Mais il en faut plus à nos mordus du bitume pour les détourner de leur objectif. Pour une multitude de raisons, quitte à souffrir, pas question de démériter. Pour oublier le temps, cela ne me coûte d’ailleurs pas, j’échange des propos avec tous. François Vincent, s’entraînant pour le 24 heures sélectif de Château-Thierry, Jean Rémy, Henri Legrand, marcheurs athlétiques confirmés, sont avec nous.
Pour les nouveaux porteurs du virus, je pense à Gérard de Gisors, que « Tante Inite Maïté », sur le champ, surnomma « l’oncle incarné », spécimen rarissime de la promotion 2000, qui s’est fait sa carte de visite à Millau, 20 kilomètres de Paris, de nuit s’il vous plaît, sa musette pleine de galettes, après avoir flâné aux aurores en forêt de Fontainebleau où il fut couronné roi, se rendant ensuite aux 20 heures de Dunlopillo, après s’être essayé aux 30 heures de Flers-de-l’Orne, Paris-Mantes, Bourges-Sancerre, 75 km de Lhomme... – ce cosmonaute de la station Mir, je crois, avec l’incroyable Michel Duigou de Sacy-le-Grand – ne dorment-ils pas désormais avec leur combinaison, casquette jaune, lampe frontale et baskets ! Il faut dire haut et fort que Jean Rémy et Henri ont disputé Paris-Colmar.
Il court, il court, Henri Legrand. De par son palmarès que je ne connais qu’incomplètement, il mériterait un portrait détaillé. Outre ses 29 Aigles d’or Audax (plus de 60.000 km englobant la série de quinze 200 km et les brevets d’avance), de 1984 à 1989, il a participé avec brio à des 30 heures et de nombreux 24 heures sélectifs. Souvent classé dans les trois premiers, il en a remporté un (216 km) et participa à quatre Paris-Colmar. Les ultramarathons (100 km en 10 h 30) de Belvès, Millau, Gravigny, Migennes, Amiens…). Pour lui, c’était devenu une tradition.
Ce circuit est très touristique. Un ravissement. Alors qu’il est 8 h 50, nous filons maintenant sur Châteauneuf-sur-Cher. Droit devant nous, donnant sur la vallée du Cher, la basilique Notre-Dame édifiée il y a un siècle et demi plastronne à côté du château, une puissante forteresse du XIe siècle remaniée à plusieurs reprises entre les XVIe et XVIIIe siècles. Une collation nous est donnée sur la rive gauche.
Km 123. Repas du midi. Les mets divers ont été appréciés à leur bonne valeur. Merci au restaurant Lunery, ayant à peine eu le temps de poser les valises, d’avoir rouvert pour nous le dimanche. Les giboulées sont suivies de belles éclaircies. Il n’y a plus qu’à se laisser porter par le vent violent jusqu’à l’arrivée. Le roller ! Une excellente idée. Dans cette soufflerie qui nous rafraîchit les idées, nous réveille, nous stimule, la chapelle Saint-Ursin, le domaine de la Grange Miton, les cathédrales Saint-Etienne et Saint-Henri attirent le regard. Nous posons un pied, un second, sur le boulevard de l’Industrie. Nous ne sommes plus qu’à un kilomètre des Pêcheurs, au troisième feu. Ouf, comme c’est bon ! Déjà acclamés, nous marquons un bref arrêt pour nous regrouper. Caillou, petite canaille, te complaisant à la pointe de mon orteil depuis un sacré temps, allez, vas-t-en maintenant.
Les bénévoles du ravitaillement qui nous ont choyés durant ces 30 heures avec une émotion et une pêche peu communes, les cibistes sympa, les municipalités et les capitaines de route qui s’en sont bien sortis malgré des conditions météo particulièrement difficiles sont remerciés.
Un marcheur et deux féminines sont félicités pour leur premier 150 kilomètres. Pour clôturer cette très belle prestation, un brevet qu’ont bien mérité les participants, un agréable pot de l’amitié est pris tous ensemble.


René VASSEUR.