De Saint-Brévin-les-Pins à Olonne en passant
par le Gois pour un brevet de 150 km
   

A lire dans la revue d'octobre 2001 :
Le sommaire

Archives : revue d'avril 1999
de Jacques Seray
"La revue a vingt ans"



Formidable déjà... et ce n'est pas fini !

Formidable déjà et ce n’est pas fini. A commencer par la gare de Saint-Nazaire à l’allure de navire, l’impressionnant pont reliant Saint-Brévin, l’estuaire. On ne saurait oublier les chantiers de l’Atlantique, numéro un mondial de la construction navale qui, après le Normandie, le France et le Batillus, un des plus grands pétroliers du monde (1976), satisfait à la commande du Queen Mary II, le plus grand paquebot jamais construit, deux fois plus gros que le France. A cette image et à celle de l’Océan infini, un pas de géant en marche à pied a été franchi. A l’occasion du 200 km organisé en Loire-Atlantique en mai 1996, vingt-huit clubs de la région nantaise ont fédéré à Rand’Audax. C’est grâce à cette même infrastructure que ce brevet à thème connaît aujourd’hui un succès égal.
Le samedi 28 avril 2001 au soir, Bernard Eon, Christian David et Roger Jauneau qui a tracé le parcours, avec leur sympathique équipe « multi-clubs à pompon », n’ont rien laissé au hasard pour réserver aux participants un accueil digne de cet événement. La participation de la ville de Saint-Brévin permettra à plus d’une centaine de marcheurs d’être hébergés dans un V.V.F. de conception moderne. Dans les chambres, possibilité de se doucher à partir du lit, allongé ou assis (système auto-séchage EDF d’une dizaine de minutes). Nuit trop « longue », orteils impatients, l h 30, au matin du départ : « Ohé du bateau ! Debout les filles, debout les gars, il va falloir en mettre un coup ! », « Il faut secouer la vie, autrement elle vous ronge » (Stendhal).

Bernard Eon (à gauche) et quelques sympathiques bénévoles.

Brioche vendéenne dégustée, café, chocolat ingurgités, en une heure, de 100 on monte à 132 pour brevet limité à 150 km en 30 heures. Parés du magnifique tee-shirt LPO (Ligue de protection des oiseaux), leur cœur bat la chamade à quelques minutes du départ. Il y a ceux qui sont toujours pressés et qui voudraient arriver avant de partir. Il y a les calmes et les excités, les plus connus. Capitanat : Dominique Noury, Patrice Marot, Jean-Pierre Raballand. Sur la plage arrière : Maurice Gautier, Christian Ameslant, René Louis. 4 heures, petite brise, force 3. Gros crachin, ne dure pas, reviendra. Levons l’ancre. Les troncs élancés des pins parasols parmi de somptueuses villas nous accompagnent jusqu’à la côte de Jade. Au grand large, tous feux allumés, minuscules, des cargos attendent pour rentrer dans le port de Saint-Nazaire. A Tharon-Plage, les carrelets (guérites sur pilotis) pour la pêche, le port de plaisance, les galettes de Saint-Michel qu’aime Guy Jaud, portent à la rêverie aussi. Au nord, on aperçoit les lumières de La Baule. Salut « petit mousse ». A quelques vols de goéland de Pornic, les oiseaux se mettent à chanter. Cette station balnéaire privilégiée qui reçoit régulièrement le label du pavillon bleu d’Europe, doit son nom à la contraction du latin portus (port, en breton porzh) et d’un Breton dénommé Nitos. Prudemment, le peloton se glisse sur des petits parapets contigus aux remparts du château en granit dominant une petite plage et une flotte de bateaux de pêche qui ramène du large : soles, merlus, civelles, crevettes...

Le 125 km

Les digues se rejoignent juste avant le port du Bec.

8 h 57. Fin de la pause. Une trentaine de gais matelots au pied marin embarquent avec nous pour la visite du pays de Retz. Avant, nous longeons la côte souillée par le naufrage de l’Erika en décembre 1999, bien nettoyée depuis. Ouf ! Laurent J.C. Vrignaud, revoyant les Vikings au XIe siècle avec des cargaisons pleines de sel (les sauniers se sucraient), « pieds à pattes » avec le kingcrab et, un orque déjà mort, se trempe dans les eaux froides de la baie de Bourgneuf, jadis réputée d’autre part, pour ses marins de Terre-Neuve. Bien que les Audax soient des gens discrets, FR3 relatera l’événement ainsi que les radios et Ouest-France. A la base nautique, les mâts des voiliers claquent dans le vent. La silhouette d’un bleu profond profilée au loin ! Oui, c’est bien l’île de Noirmoutier. Plein cap donc. Cette étape à travers La Bernerie-en-Retz, les pêcheries, les grandes plages, de vraies vacances... Laissons-nous envoûter par les marais, les polders conçus sous Richelieu sur le modèle des Pays-Bas avec le coup de pioche des bagnards, les rivières et les étiers de la Planète sauvage... devenue un havre pour les oiseaux migrateurs et les autres que rien ne semble déranger, ou des claires à huîtres. Dans cet eldorado des écologistes, des aigrettes, hérons, canards côtiers, martins-pêcheurs, macreuses, huîtriers pie, macareux, de resplendissants tamaris à fleurs roses… Des chevaux sportifs nous saluent de la tête, tournent en rond, s’éloignent au galop... Le petit port du Collet, l’écluse, la route de l’huître... Mais où sont passés les habitants, les « Paydrets », à la fois marins et paysans ? Le maraîchinage ! Curieuse coutume d’autrefois qui consistait à s’asseoir à deux sous un grand parapluie et à s’embrasser à l’abri des regards indiscrets se pratiquerait-elle toujours ! La maraîchine repousse d’abord les avances du galant en bredouillant : « E diro’o churaïe (curé). » Puis elle finissait par consentir en spécifiant prudemment : « Fais tôt’ ce que tu veille mais vaque à ma coëf (coiffe). »
12 h 25, le Chaud du milieu, la Petite (se) réjouie. L’ancre est jetée à Bouin. Chacun charge ses cales.

Le 100 km

Grand chambardement. A 13 h 56, une soixantaine de marcheurs, à majorité des randonneurs chevronnés, beaucoup de jeunes, viennent faire le 100 km. Trempe olympique, Paul Viaud fait sa rentrée en Audax au son du bandonéon et de gwerzioù (chants bretons). La caravane des fans, aussi un artifice.
Les maisons basses vendéennes – volets bleus – toits de tuiles rondes, les « établissements » des ostréiculteurs bordent la longue route menant au Gois. Les digues se rejoignent juste avant le port du Bec. « Digue dondain dondaine », les cœurs sont en fête... Patatras ! La jouissance du marcheur, un orage de grêle, court mais très trempant surprend. « La mer est belle. Le ciel est pur et bon. Marchons avec ardeur, amis marcheurs, bien vite... », dit la chanson. A la question : Ces 220 marcheurs sont-ils décidés à marcher contre vent et marée, à prendre le risque de « goiser » c’est-à-dire de se mouiller les pieds (ils le sont déjà) sur les 4,150 km submersibles et pavés du passage reliant la côte vendéenne à l’île de Noirmoutier ? La réponse est « oui », plusieurs fois s’il le faut, mais à marée basse.
A 16 h 10, tels Moïse franchissant la mer Rouge, après Charette et son armée, les Républicains reprenant l’île, les soldats allemands (1940-1944), les coureurs du tour de France (5 juillet 1993), les foulées du Gois – des centaines de coureurs – la course des as à mer montante, nous avançons dans l’Atlantique... Ce lieu insolite, phénomène unique au monde, est doublé d’un événement qui mérite d’être porté au livre d’or des Audax. Pour la circonstance, la circulation a été fermée dans les deux sens, une « victoire » sur l’automobile savourée. Drôle : personne n’eut l’idée de faire un petit somme au pied d’une balise. Seulement l’un, non de la « revue », se retrouve en haut pour prendre des photos. Il signale sa position par un coup de corne à pistons. Trois-quarts d’heure auront suffi pour accoster sans dommage les rives de Noirmoutier que les flots, en 1882, ont failli couper en deux à la Guérinière. Les marais-salants, mimosas, pommes de terre dont la célèbre bonotte, fruits de mer, « les Belles Anglaises » (superbe collection de faïences anglaises (XVIIIe-XIXe siècles) exposée au « Logis du Gouverneur »), sont au cœur de l’île. Dès Barbâtre, l’église Saint-Philbert et le château se détachent au nord. Salle des Noures : collation variée, on s’équipe pour la nuit, remplissant nos poches de sel, en prévision des fortes chaleurs. Sur le pont, les amoureux de grands vents
iodés aux visages frappés par les embruns. Séduisante et magique est la forêt de pins maritimes et de chênes verts des pays de Monts.

Dans les marais, recrue 2000, Gérard...

A 21 h 50, sur le boulevard de front de mer, le palais des congrès de Saint-Jean-de-Monts nous ouvre grandes ses portes pour souper. Les petits plats dans les grands. Ici encore, tout se déroule admirablement bien. Bernard Eon fait preuve d’une disponibilité de tous les instants, il est partout, au milieu de sourires permanents de la part des nombreux bénévoles. Puis l’on s’offre une échappée plein sud vers la corniche vendéenne. « Les pianos des casinos font rêver les poissons dans la mer. Muets certes, mais pas sourds ! Ils battent la mesure avec leur queue... » Le jackpot ! Un autre jour, priorité au brevet. A la sortie de Sion, les rochers les Cinq Pineaux sont étranges. La falaise, coupée de criques, devient curieusement aride. Le Trou du Diable se cache. Là-bas, Saint-Gilles-Croix-de-Vie sommeille. Des bateaux de couleur sont affrétés pour la pêche à la sardine, aux homards, langoustes et thons. La visite en long et large de la ville, pittoresque, s’écartant un moment de la Vie, nous hisse sur les hauts rivages de l’Océan ! Dernière escale, petit déjeuner. A 4 h 12, le boulanger nous livre sa première fournée. A cette heure, cela vaut tout l’or du monde (la crêperie des Chouans est fermée).
Km 124,5. De petites difficultés maintiennent en éveil des yeux gonflés, des visages marqués par deux nuits « blanches », des mines rigolardes, gare au coup de barre. Si devoir chuter, ce chemin casse-jambes aux nids de poules d’eau énormes « interdit aux voitures », n’est pas l’idéal. En prolongement, une plage désertique, humide et plate, des dunes... les petites foulées ralentissent terriblement la vitesse de croisière. Ils rament debout, guettant le souffle d’une brise venue du large. L’Océan aux froides couleurs de la nuit, vagues argentées, plus solide qu’eux, est sauvagement beau. Violette de Vernon, aux jambes de feu, s’enlise à demi... Ici rien ne blesse, rien ne tue. Ni scorpions, ni crocodiles de mer, ces monstres (de six à sept mètres de long). Entre forêt et Océan, malgré les échauffements de pieds qui se font de plus en plus brûlants, les chemins de sable fin carrossables de La Gramouillerie et des Barres, car les derniers nous comblent bon an mal an. Les Sables-d’Olonne sont en vue. Nous allons bientôt jeter les « amarres ». Pour un peu, qu’à cela ne tienne, nous aurions assisté à l’arrivée du dernier skipper du Vendée Globe. En tout cas, Bravo Michel Desjoyeaux qui avez fait vibrer d’émotion le public pour votre tour du monde en héros, à tous les marcheurs, arrivés à bon port.
Cette belle aventure n’aurait pas pu se réaliser sans la participation active et l’aide des communes, des divers clubs associés et de la super équipe de plus de 50 bénévoles. Sans compter 17 véhicules, 4 podologues et les deux tonnes de vivres soigneusement préparées. Dans la gaieté s’ensuivit la remise de prix et de coupes, la dégustation à volonté d’huîtres et jambon mogettes, le verre de l’amitié... Des cars ont ramené les participants à leur point de départ. Une partie des bénéfices ira aux associations de victimes de l’Erika. « Le nec plus ultra. »
La mer qui bouge, c’est la mer qui vit. Il en est de même pour nous. Donc, à très bientôt… Christian David, René Challet, Joseph Fonteneau, Pascal Douteau, Christian Robin… sur le circuit du 100 km, style libre, de Chavagnes-en-Paillers...

René VASSEUR.