Métro
bondé. Gare de l'Est, on se bouscule. Le train prend de la vitesse. Destination
inconnue. En passant par la Lorraine avec mes trainings, je rencontre
Jeanine. Le beau capitaine Jean-Pierre « don don dondaine » s'apprête
à marcher 20 heures. Tout en chantant sa joie de voir la salle des fêtes
pleine, il me convie à être des leurs. Comment ne pas adhérer à une aussi
belle invitation ? Arlette Hannes (16 Aigles d'or fin) qui nous a donné
beaucoup de plaisir à ses brevets de Bouxières-aux-Chênes, s'assoit à
côté de moi. Je suis très heureux aussi de revoir Geneviève et François
Gabriel qui ont créé le club de marche nancéien en 1980. Leur grande passion
et un esprit de combativité certain ont porté Nancy au plus haut rang
Audax, ayant été champion de France 9 années et vice-champion 3 fois.
Il y a deux ans, François qui a 20 Aigles d'or, a passé les commandes
à Jean-Pierre Jocquel. Désormais, il est trésorier. 20 h 20, on discute
beaucoup et mange énormément. Rien que des superstars : Baudouin Rossius,
Willy Persyn, Hélène Fortemps, Paul Herman, André Baret, Jeannette, Eduard,
Manfred, Frank, Vica Neys, Raymond Smeulders, Claude, Daniel, Marcel Gonthier,
Jean-Philippe et M. le Maire Antoine Pernot, à qui nous devons ce rendez-vous
pastoral. On pense que Brin existait déjà au temps des Romains car le
nom du village fut Brenus, le chef gaulois, ou Brannus, le corbeau. Brin
a souvent été détruite au cours de l'histoire et peu de documents subsistent.
Avant 1789, il y avait un château derrière lequel une route empierrée
passant à travers bois menait à Nancy. Evacués durant la Première Guerre
mondiale, les habitants revinrent en 1919 et se logèrent dans les baraquements
provisoires en attendant la reconstruction de leur village qui dura 5
à 6 ans. J'avale « trois » plats de spaghettis aux crustacés et une bouteille
d'eau par dessus.
A 21 heures, Jean-Pierre nous recommande la prudence avant de nous faire
découvrir la Lorraine méridionale. La Seille, franchie à plusieurs endroits,
prend sa source à l'étang de l'Indre et rejoint la Moselle à Metz. Cette
magnifique rivière qui s'étire sur 130 km ajoute au charme du parcours.
La route légèrement vallonnée nous transporte dans de petits villages
lorrains. Tout à fait typique est celui d'Alincourt. Les maisons d'un
étage, volets en bois, très sobres, s'alignent de chaque côté de la rue.
Au pied de l'église de Manhoué, une première collation. Pour moi, ce sera
un Viandox. Les étoiles étincellent. Les alouettes chantent dans l'air.
Un jeune Lorrain, ravi de faire son premier 50 kilomètres, de nuit surtout,
me dit être très séduit de nous voir marcher ainsi le plus simplement
du monde pendant des heures et des heures, voire des jours entiers. A
l'ère du Net où on ne prend plus le temps de faire les choses les plus
banales, il en conclut que nous avons du mérite, si étrange et bizarre
que cela puisse paraître à priori. 23 h 30, comme une énorme boule de
feu, la lune se lève. Son hémisphère éclaire comme en plein jour et, à
travers le rideau de saules bordant un ruisseau, donne une belle perspective
de l'église d'Armancourt aux multiples facettes. Ma lampe vole en éclats
en plein peloton. J'apprécie alors tout particulièrement le climat de
la camaraderie Audax. Vica, co-capitaine du 200 km d'Anvers, vient à mon
secours et m'aide à en retrouver les pièces.
A
2 h 12, après avoir pris un peu de repos, les baroudeurs remontent doucement
vers le plateau en direction du nord. Jean-Pierre, dont la démarche est
agréable, est entouré de capitaines expérimentés : Jeanine, Michel Barthelet
et Pascal Bouvier. Jacques Thirion et Jean-Michel Arnould ont parcouru
171 km aux 24 heures de Bourges 1999. A la course à pied, Jacques a effectué
9 marathons de 100 km en moins de 10 heures (8 h 41 à Millau), 204 km
lors d'un 24 heures. Le week-end dernier, aux 100 km du C.A.F. à Nancy,
il s'est classé premier. Bravo ! Le paysage de côtes défile sous nos yeux
dans le plus grand silence. Des étoiles filantes se montrent furtivement
dans le ciel. Alors que nous amorçons la descente sur Brin, une vue imprenable
sur Nancy, lumineuse et entourée de collines, s'offre à nous. A 5 h 50,
il commence à faire jour. Au petit déjeuner, des tartines et un grand
bol de chocolat ou de café sont distribués. L'itinéraire des troisième
et quatrième boucles ne nous fera pas regretter davantage cette escapade.
Le sentier empruntant la forêt d'Amance débouche sur le GR5. Non loin
de là se trouve l'étang de Brin d'une superficie de 13 hectares. La nature
est extraordinaire. Des agnelets bêlent dans les prés ornés de fleurs
de coucous jaunes. Des pissenlits, des renoncules à tête d'or et des condamines
pourpres à perte de vue se détachent de la verdure. Assis sur des troncs
d'arbre à proximité de mirabelliers, nous avons tout loisir de contempler
en arrière plan les trois bourgades de Bouxières-aux-Chênes dont on aperçoit
sur la gauche le prieuré du XIIIe siècle. Bénéficiant d'un ensoleillement
maximum, ils constituent un site exceptionnel. Une côte raide de 2 km
donne chaud. A 9 heures, les petites routes sont déjà écrasantes de soleil.
Avec 25°, la journée sera estivale, mieux qu'à Nice et dans l'ensemble
de la France où il y a de fortes averses. 11 h 28. La restauration copieuse
remet en forme : soupe de légumes, fricassée de dinde au riz, fromage
et tarte aux pommes. « Jacques a swingué toute la nuit. Son ampoule de
100 watts au pied ne surprend personne. » Jean-Marie Burton part, un brevet
de 50 km en poche.
L'après-midi, en tenue plus légère, loin de la foule bruyante, nous peaufinons
le bronzage. Hélène et François ont des fourmis aux pieds. Ils vont marcher
ces 25 km avec nous. Leur brillant palmarès fera capituler de suite la
fourmilière sans insecticides. Le relief est toujours très contrasté.
Nous évoluons dans la forêt de Grémecey plantée d'arbres feuillus, charmes,
hêtres et chênes. Une buse, semblant furieuse de l'intrusion d'êtres humains
dans un lieu aussi paisible, s'enfonce majestueusement dans l'au-delà.
Et Filou, vaillant toutou noir brillant - cravate blanche, croisé de collet
de Bordeaux et de lévrier du Sahara marocain ? En raison de la chaleur,
Sonia et Christian ont jugé prudent de l'arrêter au 84e kilomètre. Vous
les retrouverez à Obernai. Les cultures céréalières et herbagères aux
tons joyeux de vert tendre et jaune cru, le cheptel bovin dans les grandes
vallées, continuent à nous faire vivre pleinement ces 100 kilomètres.
Déjà le retour au pays du Saulnois. En 1906, un sondage a reconnu le gisement
de sel jusqu'à la profondeur de 1.205 mètres. Les couches totalisent 80
à 100 mètres de sel pur. C'est le gisement le plus important de la région.
La source artésienne aussi subsiste. Son débit de 18,250 m3/mn d'eau à
28° s'est rapidement réduit sans toutefois jamais s'arrêter et l'eau s'est
refroidie. Actuellement, le débit est de 10,l/mn à 7°- l0°. L'eau claire
et potable est canalisée vers la Seille à laquelle nous donnons un dernier
clin d'œil.
Les
derniers hectomètres sont faits au pas de course. Applaudissements nourris.
Congratulations, c'est fini. Ce merveilleux et distrayant 20 heures de
Brin-sur-Seille était réalisé pour la deuxième année consécutive. Son
succès résulte de l'organisation commune du comité des fêtes présidé par
Maurice Dautel et des Audax Nancy-Lorraine coordonnée par Michel et Odette
Barthelet, avec la participation active du maire – une première pour un
premier magistrat – qui nous invitera à prendre le verre de l'amitié tous
ensemble. Un grand bravo et merci, ainsi qu'à Roger Collet et le cuisinier
qui nous ont bien gâtés. 89 marcheurs : 39 arrivants sur 43 au 100 km,
4 sur le 75, 10 sur le 50 et 32 sur le 25. Richard Hendrickx, Américain
demeurant en Allemagne, a parcouru les l00 km tout à fait décontracté
sans jamais quitter son chapeau. Des coupes ont été décernées à Sonia
pour son Aigle d'argent, Michel Barthelet et Jacques Thirion (1 Aigle
d'or), Pascal Bouvier (2), Jeanine et Jean-Pierre Jocquel (8). Je rentre
chez moi après minuit, en même temps que les cloches qui reviennent de
Rome. « Joyeuses Pâques ! » Souhaitons d'être encore plus nombreux l'année
prochaine.
René VASSEUR, A.M.I. Bois-d’Arcy.
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